Aux poilus la patrie reconnaissante

«  Aux grands hommes la patrie reconnaissante » est inscrit sur le Frontispice du Panthéon à Paris. C’est au Panthéon que le Président Macron célèbrera ce 11 Novembre 2020 les combattants de la Grande Guerre.  Il y fait entrer Maurice Genevoix, soldat blessé au Front en 1915 et auteur d’un témoignage majeur sur l’immense boucherie que fut la Première Guerre Mondiale : Ceux de 14.

             Après avoir été grièvement blessé en 1915, Genevoix commence à écrire. Ce sont les tranchées qui ont fait de lui l’écrivain qu’il est devenu, prix Goncourt en 1925.

Voici 2 extraits de Ceux de 14  de Maurice Genevoix :

Il fait lourd, une chaleur énervante et malsaine. Des nuages flottent, qui peu à peu grossissent, d’un noir terne qui va s’éclaircissant sur les bords, frangés d’un blanc léger et lumineux. Par instants des souffles passent sur nous, effluves tièdes qui charrient une puanteur fade, pénétrante, intolérable. Je m’aperçois que nous respirons dans un charnier. Il y a des cadavres autour de nous, partout. Un surtout, épouvantable, duquel j’ai peine à détacher mes yeux : il est couché près d’un trou d’obus. La tête est décollée du tronc, et par une plaie énorme qui bée au ventre, les entrailles ont glissé à terre ; elles sont noires. Près de lui, un sergent serre encore dans sa main la crosse de son fusil ; le canon, le mécanisme doivent avoir sauté au loin. L’homme a les deux jambes allongées, et pourtant un de ses pieds dépasse l’autre : la jambe est broyée. Tant d’autres ! Il faut continuer à les voir, à respirer cet air fétide, jusqu’à la nuit. Et jusqu’à la nuit, je fume, je fume, pour vaincre l’odeur épouvantable, l’odeur des pauvres morts perdus par les champs, abandonnés par les leurs, qui n’ont même pas eu le temps de jeter sur eux quelques mottes de terre, pour qu’on ne les vît pas pourrir.

 

Silence morne, qui soudain s’abat comme une chape immense dont je sens la matière froide et lourde. Silence suppliciant, qui me semble voulu par quelque mystérieuse puissance de mal : l’angoisse est partout. Le jour n’allège point nos poitrines. Une clarté triste, blanchâtre, flotte au bord de l’horizon et lentement rampe vers le zénith. Des lambeaux de nuages crevés traînent à tous les coins du ciel, un ciel de saison bâtarde, un de ces ciels qui longtemps à l’avance annoncent l’hiver, ou qui, le printemps venu, étreignent et glacent le cœur, que déjà gonflait d’une vie accrue l’allégresse de la chaleur et de la lumière. La pluie toujours, fine maintenant, drue, opiniâtre. Elle nous transperce, nous imbibe, nous pénètre.

  • SUIRE Amandine

    Merci Madame Hasbrouck pour cet article. J'en profite pour recommander moi aussi une lecture: Im Westen Nichts Neues[u], [u]A l'Ouest, rien de nouveau, de Erich Maria Remarque, qui donne à voir la première guerre du côté allemand et qui décrit avec autant de force que Maurice Genevoix l'horreur de celle-ci. En fin de compte, peu importe le camp auquel on appartenait... Tous ont vécu l'atrocité, la peur, la laideur, l'abomination... En Allemagne le texte de Remarque était vite devenu le symbole du pacifisme.

    il y a environ 3 ans

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